Les OS 'made in France' existent déjà... à l'export

L'idée d'OS national ne conduit pas toujours à l'échec, à condition d'en faire un OS international qui apporte des innovations d'usage significatives au marché. Cependant - en France comme en Chine - la notion d'OS national ou souverain a été trop souvent synonyme de destruction du tissu industriel d'éditeurs qui disposaient déjà de solutions technologiques éprouvées, malgré toute la bonne volontés des divers acteurs concernés, et malgré les subventions importantes aux PME.
  • Last Update:2016-01-24
  • Version:003
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On parle actuellement d'OS souverain en France.  Il existe déjà de nombreux OS "made in France" dont certains sont encore utilisés ou ont rencontré le succès:

  • Mandriva, qui a connu son heure de gloire et a même été rentable
  • Mageia, qui est tout ce qu'il reste de Mandriva
  • CLIP, qui ajoute des fonctions d'isolation à des applications Linux traditionnelles, à condition de disposer d'un gros PC
  • NayuOS, qui est un fork sécurisé de ChromiumOS avec des fonctions d'anonymat et qui tourne sur des PC à moins de 200 EUR
  • NiftyName, qui est un système d'exploitation de clouds fondé sur la virtualisation de data center
  • SlapOS, qui est un système d'exploitation de clouds fondés sur la notion que "everything is a service" au lieu de "everything is a file" dans Unix
  • Weio, qui est un système d'exploitation et un environnement de développement pour objets connectés

Tous ces OS sont des logiciels libres. On pense aussi à BeOS, créé aux Etats-Unis par un français et qui sur de nombreux points avait plus de 20 ans d'avance.

Développeurs chez Nexedi avec NayuOS

Utilisation de NayuOS par un développeur chez Nexedi

L'Etat a eu un rôle positif dans le passé, en soutenant notamment par des subventions et sans prendre de parti technologique, des entreprises à l'origine de plusieurs de ces OS souverains, dont Nexedi. Nexedi édite aujourd'hui deux OS libres: SlapOS et NayuOS. SlapOS est utilisé pour le déploiement mondial de notre infrastructure répartie et pour tous les services fournis à nos clients, dont ERP5. NayuOS est utilisé par nos ingénieurs pour développer tous nos logiciels libres.

L'histoire retiendra pourtant le rôle en partie destructeur de l'Etat sur l'écosystème des éditeurs en France: 

L'histoire ayant tendance à se répéter, Nexedi a pour stratégie d'exporter ses logiciels et de ne pas dépendre de la commande publique en France, dont on a vu par le passé le caractère changeant ou incompatible avec l'idée de développement industriel en France. Il est en réalité plus difficile de vendre en France pour un éditeur français que d'exporter. Le cas de Mandriva à l'assemblée - pourtant mieux noté - en est une parfaite illustration. La cas de SlapOS - pourtant 100 fois moins coûteux à déployer - est un aussi un bel exemple. Nous avons tous l'espoir que cette situation évolue dans un sens moins défavorables aux éditeurs nationaux, mais il faut rester prudent.

En attendant, la seule voie pour nous est d'exporter. C'est grâce à l'export que SlapOS continue d'exister et de se développer. C'est aussi grâce à l'export que NayuOS a un avenir dans les entreprises qui souhaitent passer à HTML5 sur des PC fiables tout en préservant leur secrets commerciaux.

Seul point rassurant: la situation n'est pas plus rose dans d'autres pays.

La Chine, qui a souvent la volonté de créer son propre OS national, a suivi un parcours identique à celui de la France. Elle a laissé mourir son OS national "Red Flag" dont l'entreprise n'appartenait pas à la bonne personne. Son Linux sécurisé "Kylin" n'est plus vraiment développé et a été remplacé par Ubuntu. Son système mobile H5OS qui a reçu 100 MUSD de Tsinghua Ventures à Beijing est développé désormais à Taiwan: il ne sera pas commercialisé en Chine et ne sera peut-être d'ailleurs pas commercialisé du tout si jamais il prend la même voie que FirefoxOS. Quant au logiciel "ChinaOS", version propriétaire d'Android développée à Shanghai par une entreprise bien en cours mais n'apportant pas d'avantage flagrant, il ne semble pas rencontrer beaucoup de succès. Les initiative privées dérivées d'Android comme OxygenOS ou RemixOS rencontrent plus de succès, mais pas au sein de l'Etat: ce dont rêvent les fonctionnaires, c'est surtout du dernier iPhone.

Pourtant, l'idée d'OS national n'est pas toujours un échec, à condition d'en faire un OS international qui apporte des innovations au marché. J'ai écrit deux articles sur le sujet en Chine:

  • After ChromeOS: National Desktop OS in the Right Way: explique comment un nouvel OS pour desktop ou mobile pourrait s'appuyer sur HTML5 pour atteindre un niveau d'interopérabilité, de sécurité et de simplicité qu'au production (même MacOS) n'a atteint aujourd'hui;
  • After Linux: National Server Operating System in the Right Way: explique comment l'intégration de fonctions cruellement manquantes à Unix permettraient d'imaginer un nouveau système d'exploitation pour serveurs susceptible de le différencier, et liste des initiatives en ce sens, dont certaines sont d'ailleurs compatibles avec l'existant. 

Ces deux directions se traduisent chez Nexedi par NayuOS et SlapOS, dont nous continuons le développement et la commercialisation, à l'export principalement.

Contact

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  • Jean-Paul Smets
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  • Jean-Paul Smets is the founder and CEO of Nexedi. After graduating in mathematics and computer science at ENS (Paris), he started his career as a civil servant at the French Ministry of Economy. He then left government to start a small company called “Nexedi” where he developed his first Free Software, an Enterprise Resource Planning (ERP) designed to manage the production of swimsuits in the not-so-warm but friendly north of France. ERP5 was born. In parallel, he led with Hartmut Pilch (FFII) the successful campaign to protect software innovation against the dangers of software patents. The campaign eventually succeeeded by rallying more than 100.000 supporters and thousands of CEOs of European software companies (both open source and proprietary). The Proposed directive on the patentability of computer-implemented inventions was rejected on 6 July 2005 by the European Parliament by an overwhelming majority of 648 to 14 votes, showing how small companies can together in Europe defeat the powerful lobbying of large corporations. Since then, he has helped Nexedi to grow either organically or by investing in new ventures led by bright entrepreneurs.
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